JUIN - JUILLET 2016
 
 
 

Le métier des résidences seniors est un métier de proximité. L’interview que nous a accordée le directeur régional d’un groupe de résidences seniors en témoigne : cette nouvelle forme d’hébergement se développe en apportant des réponses adaptées, au plus près du quotidien des personnes âgées.

Ce marché va-t-il pour autant rester longtemps à l’écart des grandes tendances mondiales ? A l’évidence, non. Prenons l’exemple de l’uberisation, qui fait l’objet de notre premier article. Le modèle économique des résidences seniors va-t-il être impacté par la désintermédiation et la numérisation des relations clients-prestataires ? La question mérite d’être posée.

De même, il va falloir considérer d’un œil attentif les transformations que traverse le marché des résidences seniors à l’étranger, indépendamment des grandes mutations du marché du travail que nous venons d’évoquer. Segmentation, financiarisation, internationalisation : voici les trois grandes tendances qui risquent d’impacter le secteur comme elles l’ont fait, à quelques années d’intervalle, pour les Ehpad.

Les résidences seniors à l’heure mondiale, voilà en somme le point de vue que nous avons souhaité explorer un an après le lancement de La Lettre des Résidences seniors. Bonne lecture !

 
 
 
 

 
L'impact de l’uberisation sur le modèle des résidences seniors
Le secteur des résidences seniors va-t-il se faire uberiser ? Sans doute pas au sens classique où on l’entend. Pourtant, il est clair que l’uberisation va avoir un fort retentissement sur l’évaluation de la qualité par les résidents, les familles... Et sur la réputation des opérateurs en général.
La fronde des taxis a pu laisser penser que le phénomène de l’uberisation ne concernait que le monde du transport. Il est vrai que c’est là où tout a débuté, avec la mise en cause du monopole des taxis par la startup Uber dont est dérivé le terme d’uberisation. Pourtant, ce phénomène pourrait s’étendre bien au-delà du secteur du transport de personnes.

5 principes clés de l'uberisation

  • La numérisation des relations entre offreurs et demandeurs de services. Ces contacts, qui pouvaient auparavant avoir lieu dans la vie réelle ou par téléphone, sont désormais systématisés et standardisés par le biais d’applications mobiles.
  • La désintermédiation et le transfert du travail vers les particuliers. Avec Airbnb ou Uber, plus besoin de passer par une agence de voyages ou une centrale de réservation pour réserver une nuit d’hôtel ou un taxi. L’application mobile supprime les intermédiaires et occasionne, dans le même temps, le transfert des formalités de gestion à l’utilisateur et/ou au travailleur indépendant.
  • De nouveaux modèles d’affaires : mise en relation gratuite, « freemium » (mélange de gratuité et d’accès payant pour accéder à certains contenus ou prestations), commission au pourcentage, commission fixe…
  • De nouveaux mécanismes de régulation de la qualité. Pas question ici de conduire des évaluations externes ou de réaliser des enquêtes. La qualité est mesurée par chaque utilisateur au moyen de systèmes de recommandations, de notations ou de sanctions.
  • La déprofessionnalisation. Les chauffeurs de la startup Uber ne sont pas soumis à la même réglementation (l’achat d’une licence) ni aux mêmes exigences de formation que les chauffeurs de taxi, expliquant en partie l’indignation de ces derniers. L’uberisation se concrétise par l’arrivée de nouveaux entrants sur un marché qui ne leur était auparavant pas ouvert ; nouveaux entrants qui n’ont pas forcément le même bagage ni la même expérience que ceux qu’on appelle les insiders (ceux qui sont à l’intérieur).

Besoin d’une stratégie digitale

À ce stade de votre lecture, vous vous dites peut-être que cela n’a pas grand-chose à voir avec votre métier. Il est vrai que, par construction, on voit mal comment le secteur des résidences seniors pourrait se faire uberiser. C'est l'avis de Guillaume Lelong, directeur Marketing de Domitys : « Nous appartenons à un secteur relativement protégé car nous proposons une forme d’habitat très intégrée et très concrète, qu’il est donc difficile de dématérialiser. » Jean-François Vitoux, président des Essentielles, fait une lecture un peu différente : « La relative protection de notre secteur résulte en fait de nos clients. L’uberisation implique une individualisation complète de la relation client-fournisseurs puisque son principe repose sur la désintermédiation. Or, nos résidents viennent précisément dans nos maisons pour trouver une collectivité de services et un collectif de vie. »

Pour autant, il va falloir tenir compte de ce changement de paradigme car résidents et familles vont utiliser de manière croissante les nouvelles technologies pour se repérer dans l’offre, sélectionner les résidences qui leur paraît les plus accueillantes et évaluer la qualité. Il ne paraît donc pas totalement improbable que, demain, des startups lancent des applications permettant de trouver la résidence seniors de ses rêves et facturent une commission à l’exploitant. C’est ce que font déjà, surtout par le biais de plateaux téléphoniques, des « organismes de placement » tels que Cap Retraite ou Retraite Plus. Les groupes de résidences seniors ont donc tout intérêt à développer une stratégie digitale. Certains ont déjà commencé d’y réfléchir, à l’instar de Domitys ou des Essentielles avec leurs centrales de réservation en ligne.

Au-delà, c’est l’évaluation de la qualité qui est en jeu. En attendant le « Tripadvisor des résidences seniors », mieux vaut donc se préparer. Au cours d’une vie, on a, a priori, plus souvent l’occasion de choisir un restaurant qu’une résidence seniors. La rotation des commentaires, positifs ou négatifs, sera moins fréquente que sur les sites généralistes, d’où la nécessité de garder un œil sur les avis d’utilisateurs et de leur apporter une réponse adaptée et circonstanciée. Cela devrait à terme se traduire par une personnalisation de plus en plus prononcée des modalités d’accueil.

 

 
 
Les résidences seniors, une spécificité française ?
Les résidences seniors ne sont pas une exception française, loin de là. Dès lors, quels enseignements peut-on tirer des exemples étrangers ? Les marché les plus matures font apparaître trois tendances : la segmentation de l’offre, la financiarisation et l’internationalisation.
© Julien Eichinger - Fotolia
Aux dires de certains observateurs, la France ne parviendrait plus à exporter contrairement à certains de ses voisins européens. Pourtant, s’il existe bien un secteur où le savoir-faire français vaut de l’or, c’est bien celui de l’accueil et de l’hébergement pour personnes âgées. C’est vrai pour les entreprises industrielles comme Orange ou Legrand. C’est encore plus vrai pour les groupes d’Ehpad qui investissent en Europe et ailleurs dans le monde, notamment en Chine.

Pas d’exception française

Le marché des résidences seniors, lui non plus, n’a pas vocation à demeurer franco-français, la conquête de l’étranger n’est cependant pas pour tout de suite. Certains groupes ont déjà intégré cette dimension internationale à leur stratégie à l’instar de Domitys, qui exploite une résidence à Auderghem (Belgique) et développe plusieurs projets en Italie, au Maroc ainsi qu’à l’Ile Maurice. Ou d’Emera, présent en Suisse. Toutefois, avant de pouvoir prétendre prendre le contrôle de groupes étrangers ou ouvrir des résidences au-delà des frontières, les groupes français vont d’abord devoir consolider leur croissance interne sur le territoire national.

Dans son rapport de juillet 2015, l’Institut Montaigne s’alarmait du retard français en matière d’hébergement non-médicalisé pour les personnes âgées. Certes, la France n’est pas le pays où le « taux de pénétration », c’est-à-dire la proportion de personnes âgées vivant en résidence seniors, est le plus élevé. Mais la crise du logement destiné aux 65 ans et plus est universelle. Depuis fin 2015, au Royaume-Uni, pas moins de trois rapports d’organismes publics et privés se sont succédés pour dénoncer le manque criant de logements. Il n’y a donc pas d’exception française en la matière. Bien au contraire, on peut déceler un certain nombre de similitudes entre le modèle français et celui de ses concurrents étrangers :

  • Partout dans le monde, l’intervention des acteurs publics et associatifs a précédé l’initiative privée. Sans la plupart des pays que nous avons passés au crible (Allemagne, Royaume-Uni, Scandinavie…), cette compétence est du ressort de la municipalité. Pourtant, c’est sur les promoteurs privés que repose aujourd’hui l’effort de construction des logements réservés aux seniors.
  • Il existe la même diversité d’offre dans les différents pays, notamment les pays anglo-saxons. Mc Carthy & Stone, qui concentre 70% du marché britannique, propose ses appartements seniors à des résidents propriétaires. Tout l’inverse de Brookdale Seniors Living, son équivalent américain, dont le modèle repose sur la location. Et en Nouvelle-Zélande, le leader du marché, LifeCare Residences, est un spécialiste… des villages seniors.
  • L’éducation du consommateur est le chantier de la décennie. En Allemagne, le quotidien Die Welt soulignait en 2015 : « tous se sentent trop jeune pour les résidences seniors ». Au Royaume-Uni, une publication du groupe immobilier Knight Frank attirait en 2014 l’attention sur le fait que, dans l’esprit des personnes âgées, la seule alternative au domicile historique était la maison de retraite.

Besoin de champions nationaux

Quelles leçons peut-on tirer des expériences d’autres pays ? D’abord, les groupes étrangers cherchent à segmenter leur offre pour s’adresser à différents âges de la vie. Réseau Sélection, au Québec, a ainsi lancé les « appartements 55+ » à destination de très jeunes seniors tandis que Brookdale Seniors Living a récemment fait part de sa volonté de développer une offre pour les seniors de 65 ans. Ensuite, on observe à l’étranger les mêmes mouvements de financiarisation et d’internationalisation qu’on observe en France dans le secteur des Ehpad. Les investisseurs considèrent désormais les résidences seniors comme un placement immobilier comme les autres. Seule différence, et elle est de taille : les rendements attendus sont réguliers dans un contexte de vieillissement de la population.

Quant à l’internationalisation, elle se fait soit par l’entrée au capital de groupes étrangers, soit par l’ouverture de résidences au-delà des frontières. Le marché français va donc devoir s’organiser pour faire émerger des champions nationaux s’il ne veut pas devenir la proie des investisseurs étrangers. De ce point de vue, la création d’un label identifiant une offre de prestations exigeante participe de ce mouvement de consolidation nécessaire du secteur.

 
 
 
 

 
 
Stéphane Goddard, directeur régional à La Girandière
Il existe autant de modèles d’organisation différents que de groupes de résidences seniors. Pourtant, la croissance des principaux opérateurs nécessite, de plus en plus, la création de directions régionales capables de superviser tant le développement que l’exploitation dans des « régions » plus ou moins vastes. La Lettre des Résidences seniors a interrogé un de ces directeurs régionaux afin de mieux comprendre en quoi consiste ce métier.
Stéphane Goddard,
directeur régional à La Girandière
La Lettre des Résidences Seniors : Quel est votre parcours et comment êtes-vous entrés à La Girandière ?

Stéphane Goddard : Après des études de droit public et de sciences politiques, je me suis orienté vers les métiers de la communication et du marketing. Dans un premier temps, mon parcours a été somme toute assez très traditionnel : quelques années en agence de communication à Paris, puis j’ai rejoint les annonceurs du secteur public et du secteur privé dans un second temps.

Je connaissais parfaitement le secteur des seniors pour avoir collaboré avec le principal assureur en prévoyance et assurance statutaire. Le marché ne m’était donc pas inconnu et il était déjà prometteur. C’est donc tout naturellement que je me suis tourné vers La Girandière, l’un des leaders du marché dont je partage la vision, l’approche et les valeurs. J’ai pris la direction, début 2014, de la résidence d’Olivet dans le Loiret (45) pour ensuite, en janvier 2016, prendre une des trois directions régionales.

La LRS : Comment sont réparties et organisées les directions régionales du groupe ?

S. G. : La France a été divisée en trois grandes régions : (1) l’Ouest, Rhône Alpes, (2) Sud-Est et Sud-Ouest, et (3) l’Ile-de-France-Centre, Nord et Est. Chacun des trois directeurs régionaux est en charge de l’exploitation des différentes résidences qui composent « sa » région. Il veille à la gestion, à l’encadrement et au développement de ses résidences. Il accompagne également le Groupe dans le déploiement des nouvelles résidences sur son secteur. A ce titre, le directeur régional participe activement à l’amélioration constante de l’ergonomie des futures résidences ou du choix-même de leur implantation. C’est un travail d’équipe qui permet de répondre au plus près aux besoins des territoires en matière d’hébergement avec services pour les seniors.

La LRS : Quelle est votre journée-type ?

S. G. : Un directeur régional n’a pas vraiment de journée type, si ce n’est qu’il passe 90% de son temps sur ses résidences en exploitation ou en construction et environ 10% au siège à Paris. Nous avons les mêmes journées que nos directrices ou directeurs de résidence, sauf que le périmètre géographique est un peu plus grand !

La LRS : Commercialiser du logement seniors est-il fondamentalement différent du logement classique ?

S. G. : Côté promotion, cela se rapproche du logement classique en location, à cette exception près que les biens commercialisés par le Groupe Réside Etudes ont la garantie d’avoir leur loyer reversé de manière fiable et durable. C’est d’ailleurs la clé de notre succès depuis 27 ans. Côté location aux seniors, nous avons les mêmes fondamentaux commerciaux que dans la location de logement classique à une exception de taille, le public à qui nous nous adressons et les éléments qui font que ce public choisit ce type d’habitation. L’approche doit être argumentée mais surtout bienveillante. Nous ne commercialisons par un bien ou un service, mais proposons un véritable mode de vie alliant sécurité, bien-être et convivialité. Cette nouvelle étape dans la vie de nos seniors et notre proposition bienveillante de les accompagner jusqu’au bout du chemin est inscrite dans notre ADN et est la parfaite expression des valeurs défendues par la Groupe.

La LRS : Quels sont les aspects de votre métier que vous souhaiteriez développer ?

S. G. : La liste serait longue ! Le secteur des résidences seniors est en train d’être inventé, nous imaginons tous les jours les résidences de demain. Aussi travaillons-nous chaque jour à développer nos compétences, que cela soit dans l’hôtelier, le para-hôtelier ou encore la restauration. Cette année, nous ouvrons à Marseille (13) la première résidence seniors 5 étoiles. C’est un grand défi mais nous savons déjà que nous pourrons compter sur la grande expérience du Groupe Réside Etudes. Celui-ci exploite en effet avec succès depuis de nombreuses années des Relais & Spa 5 étoiles et des Résidhomes 4 étoiles sur l’ensemble du territoire.

 
 
 
 

 
 
  Courant juillet  
   

  11 juillet :  
   

  20-21 juillet :  
   

 
 

en partenariat avec
   
Charte de rédaction de la Lettre des résidences seniors
 

Tous les contenus du site http://www.ehpa.fr sont couverts par le droit d'auteur. Toute reprise, partielle ou totale, est soumise à l'accord de l'auteur en vertu de l'article L.122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle. Après avoir obtenu cet accord, la reproduction des pages de ce site est autorisée à condition d'en mentionner la source et d'en fournir les liens correspondants. Toute autre reproduction ou utilisation à des fins commerciales de ces documents ne peuvent avoir lieu sans l'autorisation écrite expresse de l'auteur.