À LA UNE 20 déc. 2012
Le rapport Sicard oublie le médico-social
Après 5 mois de rencontres-débats et de réflexions, le professeur Didier Sicard, qui envisage son rôle comme celui d’un « agriculteur », d’un « défricheur », et non d’un « préparateur de loi », a remis sa copie sur la fin de vie, le mardi 18 décembre, au Chef de l’État. Le point sur les principales préconisations du rapport, qui tacle les Ehpad et fait l’impasse sur l’aide à domicile.

Le gériatre Jean-Pierre Aquino et Martine Pinville, députée PS de charente
Conférence de la comission Sicard, le 18 décembre à Paris
© Frédérique Josse - EHPA Presse
La lecture du rapport du professeur Didier Sicard nous laisse un peu sur notre faim. Car non seulement, il n’aborde que très rapidement le champ médico-social, mais en plus quelques coquilles découvertes ça ou là nous laisse craindre un certain manque de connaissance du secteur... Le rapport décrit ainsi l’Ehpad comme un « établissement hospitalier pour personnes âgées dépendantes », et non comme un établissement d’hébergement... Et puis, il évoque la « certification » des établissements médico-sociaux, démarche relevant en fait du secteur sanitaire.

Au-delà de ces erreurs, voici un panorama des principales préconisations du rapport.

1) Des Ehpad peu ou pas organisés…

Le rapport Sicard est pour le moins sévère avec les Ehpad, qu’il juge mal organisés en termes de soins palliatifs et d’accompagnement de la fin de vie. Trop peu d’établissements ont recours à des équipes mobiles de soins palliatifs ou à l’HAD, pointe ainsi la mission. Dans ces conditions, trop souvent, les personnes âgées sont transférées à l’hôpital dans une « improvisation inacceptable ». Selon le rapport 2011 de l’Observatoire national de la fin de vie, 8 000 personnes en provenance d’Ehpad décèdent chaque année dans les heures qui suivent leur admission au service d’urgence. L’Ehpad serait, selon la commission Sicard, « la victime de la culture ambiante qui place l’accueil de la mort en queue de toutes les préoccupations sociétales ». Ces critiques font écho aux foudres de l’Académie nationale de médecine, qui, dans sa « contribution au débat sur la fin de vie », accuse certains Ehpad de pratiquer encore largement l’ « obstination de soins ».

Il faut donc, conclut le professeur Sicard, faire de la qualité de la prise en charge des personnes en fin de vie un élément « obligatoire » dans la « certification » (sic, donc) des établissements médico-sociaux.

(Lisez à ce sujet notre dossier « À quand le projet de mort ? », dans le Mensuel des Maisons de retraite de décembre).

2) Développer les soins palliatifs à domicile

Le rapport prône la coordination entre l’HAD, les Ssiad. Mais pas un mot sur les services d'aide à domicile.

Le gériatre Jean-Pierre Aquino et Martine Pinville, députée PS de charente
Le Professeur Didier Sicard
© Frédérique Josse - EHPA Presse

3) Renforcer la loi Léonetti

Encore et toujours, le même discours : la « très bonne » loi Léonetti – pourtant vieille de 7 ans déjà – qui permet d’éviter l’acharnement thérapeutique, est encore trop méconnue par les soignants. Et donc, encore très peu appliquée... D’où la nécessité d’améliorer la formation des professionnels de santé, en créant notamment, recommande la mission, dans chaque université, une filière spécifiquement dédiée aux soins palliatifs. D’où la nécessité, aussi, d’en faire la publicité auprès du grand public et notamment sur les directives anticipées.

Le rapport préconise aussi d’inclure dans la loi Léonetti la sédation terminale (administration d'opiacés entraînant le coma puis la mort), à la demande du malade. « La loi Léonetti laisse, à un moment, les malades et les médecins dans une certaine incertitude. Le médecin doit donc aller plus loin dans la demande des malades. Cependant, il ne faut pas que ce soit un geste clandestin, mais celui d’une équipe pluridisciplinaire », a expliqué le professeur Sicard lors de la conférence de presse, mardi 18 janvier, à l’université Paris Descartes.

(Lisez à ce sujet notre dossier dans le Journal du Domicile de janvier).

4) Refus de l’euthanasie active

Le rapport Sicard s’inscrit clairement contre une dépénalisation de l’euthanasie, acte « brutal et radical, à l’opposé de ce que demande un humain, qui souhaite un accompagnement jusqu’au bout, et aux antipodes de la culture médicale française. » Et le professeur Sicard d’ajouter : « Je considère cette loi dangereuse car elle affronterait les français entre eux. C’est une question de santé publique, qui n’appartient pas seulement à une association, une religion, une structure médicale ou une position personnelle. »

Une loi en juin 2013

Dans la foulée de la remise du rapport, François Hollande a annoncé qu’un projet de loi sur la fin de vie serait présenté au Parlement dès juin 2013. En attendant, le président a chargé le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) d’étudier trois chantiers : la réforme des directives anticipées, les conditions de l'assistance au suicide et la question de la sédation après l'arrêt des traitements.



ACTUS DOMICILE
SAD : ce que révèle l’accompagnement Alzheimer
La Fondation Médéric Alzheimer vient de publier une enquête très intéressante sur la manière dont les services d’aide à domicile perçoivent l’accompagnement qu’ils font des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. En voici quelques enseignements.

© SilviaJansen - istockphoto
D’abord les chiffres de cette enquête, qui porte sur 911 services d’aide à domicile des réseaux UNA, Adessadomicile et Unccas : 72 % d’entre eux estiment que leurs interventions auprès des malades d’Alzheimer sont plus compliquées et qu’elles mobilisent plus de temps qu’une intervention après d’autres personnes âgées ; pour 82 %, la difficulté rencontrée vient précisément des troubles du comportement (mais 58 % citent aussi l’isolement social et 53 % le manque de temps pour établir un dialogue avec la personne aidée) ; 65 % ont parfois dû « restreindre la liberté d’action ou de mouvement d’une personne » prise en charge, par exemple en fermant à clé la porte d’accès au logement ou en limitant l’accès aux escaliers ou au matériel de cuisson.

L’enquête de la Fondation Médéric Alzheimer apporte aussi des détails intéressants sur les pratiques des services, révélés par la complexité de l’accompagnement de ces malades. Ainsi, par exemple, si 91 % des services assurent qu’au moins une partie de leurs intervenants a bénéficié d’une formation spécifique à la prise en charge de personnes atteintes de troubles cognitifs, seuls 14 % ont formé tous leurs intervenants. Et surtout, cette formation est beaucoup moins fréquente pour le personnel d’encadrement. Ce qui pose évidemment question pour l’organisation des services et le bon suivi de ces interventions complexes ; comment l’encadrement, censé soutenir et accompagner les intervenants notamment en cas de difficultés sur le terrain, peut-il le faire vraiment efficacement, sans avoir les mêmes références ?

Autre aspect, la difficulté qu’ont certains services à faire comprendre aux malades et à leurs familles ce qu’ils peuvent faire et ne pas faire. Ainsi, 40 % des services disent qu’il arrive souvent (5 %) ou parfois (35 %) que « des familles demandent à l’intervenant de faire des actions contraires aux règles habituelles du fonctionnement d’un service d’aide à domicile ». Ce qui ne veut pas dire, rassure l’étude, que ces demandes soient acceptées. Avec raison, la Fondation lie cette question avec celle de l’épuisement des aidants, constaté par 43 % des services.

Enfin, l’enquête relève une pratique assez peu dite : 65 % des services assurent que souvent (12 %) ou parfois (53 %) leurs intervenants prennent l’initiative, hors du cadre professionnel, hors temps de travail et hors activité de bénévolat, de rendre visite à des personnes aidées quand elles sont hospitalisées ; de la même façon, 44 % des structures signalent que cela peut se produire (souvent à 4 %, parfois à 40 %) quand la personne âgée rentre en Ehpad. Ce chiffre est à la fois réjouissant et inquiétant ; réjouissant de voir l’implication sans faille des intervenants ; inquiétant car ces pourcentages, qui traduisent l’extrême porosité de la frontière entre vie personnelle et vie professionnelle des intervenants, paraissent très (trop ?) élevés.



ACTUS EHPAD
Tarification à la qualité : le feuilleton continue
Le gouvernement voulait continuer à travailler sur l’expérimentation de modulation du tarif soins en Ehpad selon des indicateurs de qualité, et retarder le début de l’expérimentation. Le Conseil constitutionnel en a décidé autrement, en censurant, le 13 décembre, cette disposition du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

© Jebulon, via Wikimedia Commons
Pour rappel, l’article 67, adopté le 29 novembre 2011 à l’Assemblée nationale – après moult tergiversations – autorisait l’expérimentation, pour trois ans maximum dans les Ehpad volontaires, de majorations du forfait global relatif aux soins, en fonction de critères de qualité et d’efficience. Le calendrier prévoyait alors que 2012 serait consacrée aux expérimentations, 2013 à une mesure législative fixant définitivement le cadre de la modulation, et 2014, à une éventuelle généralisation. Aujourd’hui, les textes réglementaires qui permettraient de lancer l'expérimentation prévue à l'article 67 n'ont toujours pas été publiés. Et les travaux sur les critères de qualité sont en panne.

C’est pourquoi le gouvernement a proposé un amendement, adopté lors de la dernière lecture du PLFSS 2013 à l’Assemblée nationale, permettant de retarder l’expérimentation de modulation, afin de consacrer l’année 2013 à « travailler à la sélection d’indicateurs pertinents dans le but d’alimenter sur des bases solides et partagées les travaux sur la tarification », maintenant toutefois l’objectif de valorisation de la qualité maintenu et son intégration dans la tarification « dans un second temps, dans le cadre d’une remise à plat globale de la tarification des Ehpad ». « Dans l’immédiat, il semble que nous ne soyons pas prêts [à expérimenter une modulation de l’allocation de ressources attribuée à chaque Ehpad], s’est ainsi justifiée Michèle Delaunay, la ministre déléguée aux Personnes âgées et à l’Autonomie, lors des débats autour du projet de financement de la Sécu au Palais Bourbon, le 26 novembre. Il apparaît d’abord essentiel de travailler à la sélection d’indicateurs pertinents, afin d’alimenter des bases solides et partagées pour discuter de cette tarification. »

Mais le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, la jugeant doublement anticonstitutionnelle, non sur le fond, mais sur la forme. Parce qu’il est hors sujet, d’abord : l’amendement est en effet sans rapport avec les autres dispositions prises dans le texte du projet de loi. Et parce que le gouvernement a eu un petit problème de timing : il n’aurait pas dû déposer cet amendement en dernière lecture, après que la commission mixte paritaire ai déjà examiné le texte. Résultat des courses : le gouvernement devra trouver un autre véhicule législatif, car ça y est, depuis le 18 décembre, la loi de financement de la Sécu est publiée au JO.



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